mardi 11 novembre 2008
Marcel Proust au CIC
J'ai avec ma banque un rapport presque fusionnel. Ainsi, ma conseillère, madame Gastoux m'a régulièrement réveillé le matin pendant mes jeunes années, telle une mère attentive et inquiéte.
- Mademoiselle Lemelle ? C'est madame Gastoux du CIC. Dites, vous êtes encore à découvert."
Avec le temps, les coups de fil se sont espacés. Madame Gastoux s'en est allé mais madame Plantu à pris sa releve, tout aussi maternelle dans son genre. Osant moins me déranger par téléphone, le CIC m'écrit désormais. Je reçois des courriers colorés me proposant d'assurer ma maison de demain, ma voiture fictive, ma maison secondaire invisible, ma piscine imaginaire. Bref, nos rapports sont restés, du moins le croyai-je, assez intimes.
Et patatra. Voilà que je découvre que ce n'est plus le cas.
Vendredi dernier, je passe comme une fleur chercher un chéquier à mon agence et demande au passage la carte de ma conseillère que j'ai perdu.
La guichetière minaude.
- Mais bien sûr. Je vous donne le numéro de notre plateforme.
Non non, je ne veux pas d'un numéro en 0800 ou après avoir tapé 2 tapé 3 en suivant les ordres d'un robot, on tombe sur des gens qui s'y connaissent en placements bancaires autant que moi en physique quantique.
- Je veux la ligne directe de ma conseillère, j'ai perdu sa carte. Je veux pouvoir la joindre si besoin.
La guichetière me regarde comme si je lui proposais un gang bang avec le banquier dans la salle des coffres.
- Oh non ça ce n'est pas possible. Je suis désolée. Mais voilà le numéro de notre plateforme.
J'insiste, forte de ma relation intime et suivie avec le CIC.
-Bien. Pouvez-vous dire à madame Plantu que je suis là et que je veux sa carte ?
- Elle est en rendez-vous. Appelez notre plateforme pour laisser un message.
- Je vais attendre. Je ne bouge pas. (Je lui montre mes dents dans ce que j'espère être un sourire ferme et décidé, genre Michelle Obama.)
Remue menage derrière le guichet et arrivée de la conseillère qui me fait entrer dans son bureau vide. Je prends mon air le plus bourgeois et agite tous mes bijoux en même temps.
- Quelle histoire pour obtenir votre carte ! Je voudrais juste votre numéro de teléphone.
- Ah... (gênée) Mon téléphone... c'est qu'il est cassé.
Sur son bureau trône son téléphone multi fonctions. Je regarde son nez s'allonger comme celui de Pinochio.
- Tss. C'est bien embêtant.
- Hé oui.
- Alors votre adresse mail peut-être ?
Elle gribouille sur une carte. Moi :
- C'est embêtant de ne pouvoir joindre sa conseillère bancaire. Avec tout ce qui se passe aujourd'hui.
Madame Plantu réflechit intensément, sentant la menace de fugue dans l'air.
-Bon écoutez. Vous savez quoi ? Tant pis. Je vais vous donner ma ligne directe.
Et, avec un regard vers son bureau.
- Ils finiront bien par me le réparer. »
Et un immense soulagement m'a saisi. J'étais de nouveau intime avec ma banque, retombée dans les griffes de son amour filial ! De nouveau ma banque me prenait pour une idiote, comme une mère sa fille adolescente !
Une vraie madeleine de Proust au pays des numéros verts.
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C'est peut-être justement en souvenir de cette relation mère-fille, à l'âge de
RépondreSupprimerl'adolescence (et pas seulement à cet âge...), que depuis des années, je refuse
toute contact physique avec ma banque.
J'entretiens, en revanche, depuis fort longtemps, une relation fusionnelle avec
un numéro vert qui ne m'a encore jamais déçue... C'est toujours le même depuis
des années... Et le même scénario aussi (je tape 2, puis 3, etc.). Et
pourtant... Cette voix mâle, juvénile et suave qui décroche en identifiant
immédiatement mon nom comme si on se connaissait depuis l'adolescence (?)...
Cette voix qui me demande immédiatement : "que puis-je faire pour vous ?"... Je
ne m'en lasse pas... Même si ce n'est jamais le même homme... Troublant ?